La résilience urbaine et le développement durable sont présentés comme des conditions vitales pour penser les villes et les sociétés d’aujourd’hui et de demain : une promesse d’un avenir meilleur. L’Égypte d’aujourd’hui, post-révolutionnaire, est en pleine crise économique, sociale, environnementale qui compromet tout effort de développement positif. Dans ce contexte, la résilience urbaine devient un impératif pour les stratégies de développement urbaines en Égypte. Cet article dresse le portrait nuancé des politiques urbaines en Égypte à travers quatre cas
d’études en s’appuyant sur la revue d’un ensemble d’articles, études scientifiques et des entretiens semi-structurés avec une sélection d’acteurs urbains. Considérer la résilience urbaine en Égypte exige de doter les populations marginalisées et les plus vulnérables des moyens
nécessaires et de développer leurs capacités pour résister aux catastrophes et aux chocs. Malheureusement, le gouvernement égyptien démontre son incapacité à changer et à dépasser ses manœuvres et politiques urbaines d’antan. Peut-on affronter les chocs et aller vers la résilience en Égypte en continuant à renforcer les politiques existantes, sans admettre les racines de ce dysfonctionnement ?
L’objectif de « développement durable 11 », stipule explicitement : «Rendre les villes et les établissements humains inclusifs, sûrs, résilients et durables ». (Nations Unies, 2019) Ces deux dernières décennies, le concept de résilience a capté l’attention des universitaires et des décideurs dans toutes les disciplines, secteurs et échelles, pour en faire un passage obligé et
jusqu’à en assurer la promotion (Marie Toubin, 2012). La résilience est devenue un objectif important pour les villes, prônée en particulier face au changement climatique. L’émergence de ce concept et son degré de popularité dans les branches académiques et les politiques urbaines dans le monde place la résilience et dans notre cas la résilience urbaine en concept universel à côté de celui du développement durable ; c’est un concept plus concret, plus proche des habitants (Garcia, E. J., & Vale, B. (2017)). Désormais, la résilience est à la fois une qualité et un moteur du développement urbain durable comme le reconnaît ONU-Habitat. Elle est considérée comme un secteur transversal, multidimensionnel, et dynamique sans lequel on ne peut atteindre les objectifs millénaires du développement durable. Même s’il n’est pas notre but dans cet essai de définir en profondeur ces deux notions, il nous a semblé important de les associer dans notre réflexion sur la question de la résilience urbaine en Égypte. En effet, on ne peut pas discuter de la résilience urbaine en Égypte, sans s’exprimer sur la question du développement urbain durable car tout l’intérêt de cette réflexion est de cibler la résilience urbaine volontaire, en termes d’outils, de technique, de stratégies, de planification pour des villes et établissements humains durables, et non de décrire des formes de résiliences dites naturelles comme « La résilience écologique ».(Mathevet, R. & B, F (2014)). Pourquoi l’Égypte ? En janvier 2020, CAPMAS 1 a annoncé que la population de ‘l’Égypte a dépassé cent millions d’habitants. 60 % de cette population est urbaine distribuée sur 249 villes, et 80 % dans un mode
de vie urbain (Elmouelhi, H. 2019). La capitale, Le Caire, compte plus de vingt millions d’habitants ; elle a accueilli à elle seule un demi-million de nouveaux habitants en 2017, ce qui en fait la ville dont la croissance est la plus rapide au monde. Près des deux tiers des habitants de la région du Grand Caire vivent dans des quartiers informels, qui constituent actuellement le mode de développement urbain prédominant du pays sur tout son territoire (Khalifa, 2015). Cette population urbaine et rurale est concentrée sur 6 % du territoire Égyptien tout au long de la vallée du Nil.
Le fleuve du Nil est à ce jour la principale source d’eau douce en Égypte. Toute réduction substantielle du débit du Nil poserait un risque grave pour l’Égypte. PNUD 2 pointe du doigt la mauvaise gestion des infrastructures urbaines et rurales, et décrit l’état alarmant des cultures causé par la sécheresse croissante : Le pays fera face à une grave pénurie d’eau sans précédent d’ici 2025. Le pays connaît déjà une baisse de sa production agricole, ce qui pose un défi énorme aux résidents et aux autorités locales. Cette baisse a déclenché une réaction en chaîne qui a entraîné une augmentation des prix des denrées alimentaires et une réduction de la sécurité alimentaire. Simultanément, l’Égypte est un pays de destination pour les réfugiés et les demandeurs d’asile. En décembre 2018, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés en Égypte avait enregistré 244 910 réfugiés et demandeurs d’asile. L’Égypte continue d’accueillir une population diversifiée de réfugiés et de demandeurs d’asile, composée de 58 nationalités différentes. Ces populations, comme la plupart des Égyptiens sont pauvres et vulnérables et manquent de moyens
financiers pour assurer leur subsistance de manière durable et cela présente une pression sur les services publics du pays.
Pression démographique, urbanisation rapide, informalité, stress thermique, pénurie des ressources, infrastructures à bout de souffle, tout cela expose les agglomérations rurales et urbaines égyptiennes aux risques et aux chocs à la fois endogènes et exogènes. Les changements économiques structurels récents en Égypte ont une incidence considérable sur tous les aspects de la vie de ses habitants (Berger, C. (2018)). Les conditions socio économiques difficiles et l’augmentation du coût de la vie ont réduit le pouvoir d’achat des ménages et exacerbé leur vulnérabilité. Cela a empêché les ménages de subvenir à leurs besoins essentiels et leur dépendance vis-à-vis de l’aide humanitaire s’est accrue.
L’Égypte d’aujourd’hui, post-révolutionnaire, est en pleine crise économique qui compromet tout effort de développement positif. Il semble que placer la question de la résilience et du développement durable dans le contexte égyptien soit légitime, c’est un nouvel impératif pour penser les villes et les sociétés d’aujourd’hui et de demain : une promesse d’un avenir meilleur.
Toutefois, on ne peut ignorer la nature provocatrice de cette question : comment serait-il en effet possible d’envisager la résilience urbaine en Égypte dans un contexte de politiques urbaines de nature entrepreneuriale, néolibérale, au service du marché financier, formulées par un urbanisme
“par le haut” qui se semble jamais envisager la résilience ?
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1 l’Agence centrale pour la mobilisation du public et pour les statistiques
Auteur: Insaf Ben Othmane H.